Révéler l’ombre

9 mai 2023
par Caroline Deby

Compagnon Biographe à Nevers et Saint-Jean-de-Luz

Christian est un enfant de l’ombre, du moins de celle d’un père qu’il n’a pas connu, mais dont tout le monde sait, sans rien dire. Il s’est construit, semblant ne pas être affecté, jusqu’au jour où il sut…

Ne pas savoir, pour mieux grandir
Christian a cette voix calme de ceux qui sont enracinés solidement. Il l’est, incontestablement, mais ce fut à l’envers d’un parcours traditionnel. Le nom de son père lui fut caché, au point de s’être persuadé tout jeune qu’il était l’enfant de personne. Ainsi, à l’abri de révélations houleuses et dérangeantes, il put grandir et passer dans les cours de récréation, protégé.

L’inamovible tabou
Il est des forteresses infranchissables, des terrains minés qu’il s’agit de ne pas explorer, même pour des raisons légitimes. Ainsi, Christian dut-il sentir cette interdiction raisonnable pour ne pas se lancer dans des recherches menant vers de sombres couloirs… Passer de la lourdeur du silence au poids d’une vérité est-il plus simple ? Au moins les choses sont-elles dites, aujourd’hui.

La force d’un couple
Retranché derrière cette vie menée jusqu’alors, Christian n’avait jamais franchi le seuil du silence. Ce fut son épouse qui se lança dans une enquête de plusieurs années, ne lâchant jamais rien, sonnant et frappant à toutes les portes, analysant tous les documents d’archives, pour confirmer enfin l’incroyable trouvaille. Et alors qu’il approchait de ses 60 ans, il découvrit la vérité et le nom de ce père interdit. Les deux hommes ne pourront jamais se rencontrer, cet homme était décédé depuis quelques années déjà, mais Christian, devant ce nom, devint le fils d’un père, lui aussi.

Faire appel à un biographe, pour libérer les mots
Christian avait toutes les capacités littéraires pour écrire son histoire seul. Mais rien n’est plus difficile que de parler de soi avec objectivité et sincérité. À notre première rencontre, je fus frappée par la simplicité de nos échanges. Et lorsque j’appris qui était son père, je fus encore plus marquée par cet homme que j’avais devant moi, pétri d’humilité, de douceur, vide d’aigreur ou de quelque attente de réparation vindicative. Son seul but était de révéler, pour partager à ses proches, comme pour aller un peu plus vers la normalité qui l’avait guidé jusque-là.

Être biographe, c’est aussi grandir chaque jour grâce aux expériences de vie que l’on nous offre avec confiance.

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