Mémoires d’exil : raconter son histoire pour ne pas oublier d’où on vient.

11 décembre 2022
par Anaïd Sayrin

Compagnon Biographe en région parisienne (et itinérante)

En 2015, je me suis offert le plus beau des cadeaux : écrire l’histoire de mes grands-parents, des Arméniens exilés de Turquie. Cette exploration d’un pays perdu fut un tel chamboulement que je décidai d’en faire mon métier.

Une culture déracinée
Mes grands-parents sont arrivés en France dans les années 1960. De leur passé, je ne connaissais rien, ou presque. Leur culture se révélait dans la langue qu’ils parlaient que je ne comprenais pas et dans les délicieux plats que ma grand-mère préparait le dimanche. C’est à peu près tout.

Rattraper les souvenirs in extremis
L’idée est d’abord venue de mon père. Il voulait que ses parents se racontent pour ne pas perdre la mémoire d’un pays dont il avait encore beaucoup de souvenirs, mais dont il devait sentir qu’ils se diluaient. Il a d’abord voulu chercher quelqu’un pour écrire leur histoire. Mais j’ai été bravache : « Je peux le faire moi ! ». Et c’est ainsi que j’ai commencé une série d’entretiens avec mes grands-parents. Chaque semaine, nous nous retrouvions sur le canapé bordeaux de leur salon, devant un café oriental et des petits gâteaux. Et ils se mettaient à parler.

Voyage dans le pays perdu
C’était un choc : je plongeais dans une histoire qui m’était totalement méconnue mais incroyablement familière. En écoutant ce qu’ils avaient traversé, je retissais les fils de ma propre histoire, je comprenais d’où nous venions et surtout, je découvrais un pays qui aujourd’hui n’existe plus qu’à travers les mots de ces quelques survivants.

Raviver les couleurs de l’ailleurs
J’ai commencé mon activité de biographe après cette expérience. Il me semblait qu’il fallait offrir à tout le monde la possibilité de plonger dans les mémoires de ses ancêtres, de remonter aux racines pour éclairer notre présent. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants d’immigrés me contactent pour faire ce travail avec leurs parents. Alors, nous nous asseyons, et comme avec mes grands-parents, nous convoquons des souvenirs, des sensations, des parfums, des saveurs d’un monde qui n’est plus tout à fait, si ce n’est dans la mémoire vieillissante de ceux qui s’en souviennent, et le cœur de ceux qui viendront après eux, à condition, peut-être, d’en garder une trace.

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